Rester inconnus dans la foule. Internet est une sorte d’exutoire, où l’on peut déverser ses sentiments, ses opinions, comme dans un journal intime, mais possiblement vu par tous. Sauf qu’au milieu des journaux intimes et des confidences de chacun, cette goutte d’eau dans la mer peut rester anonyme. Les pseudos et noms de scène permettent de garder encore un peu plus le masque dans ce grand bal vénitien, où chacun s’observe, s’admire ou se convoite, se compare, dans une sorte de voyeurisme pervers en même temps que d’exhibitionnisme.
Mais de quoi s’agit-il ?
D’exister ?
De s’exprimer ?
D’avoir une petite place dans ce monde ?
De jeter une bouteille à la mer avec un message, en se disant que quelqu’un pourra peut-être le lire, et que cela pourra peut-être lui servir, lui être utile ?
Pour ne pas garder pour soi, pour ne pas être transparent, pour faire profiter au monde cette petite matière grise qui a utilisé son énergie pour apporter sa pierre à l’édifice de la connaissance et de la réflexion à la planète ?
Mais comme tout le monde fait dans son coin, et que tout le monde a cette envie d’exprimer haut et fort son avis, on en arrive à une cacophonie, un brouhaha d’informations dans tous les sens, qui passent en plus à une vitesse folle.
Sauf qu’avec tout cela on ne s’entend plus. On se retrouve perdus dans le labyrinthe émotionnel d’internet, où certes la démocratie règne, car tout le monde a le droit à la parole (encore que …), mais en contrepartie tous les avis se valent, aussi bien celui du scientifique que de l’adolescente de 16 ans, celui du théologien que de la mère de famille qui médite une fois par mois. Et bien-sûr la minorité vocale l’emporte, et devient vérité absolue, emportant avec elle toutes les voies sans voix qui ne se sont pas exprimées, et qui peut-être étaient la majorité, ou peut-être pas, mais qui sait si elles détenaient la vérité ?
Car n’est-ce pas la quête de cette Vérité qui nous pousse à nous renseigner, chercher, tenter de comprendre en se lançant sur internet ?
Alors dans cette cantine pleine d’enfants hurlant, il faut revenir à soi. Certes se renseigner, mais après avoir ingurgité des milliers d’informations, se mettre au calme, s’écouter pour mieux digérer. Et voir dans tout cela, que nous dit notre intuition, que nous propose notre élan intérieur comme action ? Sans réagir à froid, car c’est toujours une mauvaise chose que de faire du sport juste après avoir mangé.
Laisser les émotions fugaces s’en aller, et voir ce qu’il en reste. Voir quels sont les sédiments déposés au fond de notre cœur par la marée d’informations. Quels sont les coquillages précieux que nous pouvons ramasser à marée basse ?